Article – Les idées reçues concernant l’anxiété de séparation

Faisons le tour de quelques conseils fréquemment donnés pour prévenir ou palier à l’anxiété de séparation chez le chien, et voyons ensemble ce que dit la littérature sur le sujet

« Il faut ignorer le chien avant notre départ ainsi qu’à notre retour »

L’objectif de ce conseil est de faire de notre absence un non évènement : ne pas faire tout un plat de notre départ ou de notre retour pour éviter de le chien leur accorde de l’importance, et qu’il garde son calme en se calquant sur le notre. 

Le problème, c’est qu’un chien faisant de l’anxiété de séparation souffre déjà de notre absence. Il l’anticipe, l’appréhende et apprend rapidement qu’est-ce qui devient annonciateur de notre départ. Le fait de l’ignorer peut donc devenir un des signes annonciateurs de notre départ imminent, et cela peut amplifier significativement l’anxiété de notre chien d’être ignoré dans un moment de détresse. Rassurer notre chien lorsqu’il est en mal-être ne va pas le renforcer dans son émotion, bien au contraire ! La peur ne peut pas être renforcée en rassurant un individu face au déclencheur de sa peur. Ce qui peut la renforcer, c’est le maintien ou l’amplification de ce déclencheur.

De plus, une étude publiée dans Journal of Veterinary Behavior (Teixeira, 2021) a voulu tester s’il y avait une manifestation amplifiée des SRB (Separation Related Behaviors) chez des chiens nouvellement adoptés lorsque leurs propriétaires les saluaient énergiquement avant de s’absenter, puis à leur retour. Contre toute attente de la part des expérimentateurs, il n’y a pas eu de différence particulière entre le groupe de chiens testés et le groupe contrôle, constitué de chiens qui eux étaient ignorés aux départs et aux retours.

« Il faut adopter un autre chien »

Plusieurs études ont indiqué qu’il n’y avait pas de notion de causalité entre l’amélioration de l’anxiété de séparation et la vie commune avec d’autres animaux de compagnie (McCrave, 1991)(Flanningan, 2001)(Palestrini, 2010)(Tiira, 2015)(van Rooy, 2018)(King, 2000). En effet, lors de nos absences, l’absence d’un chien vivant avec le chien présentant une anxiété de séparation peut aggraver l’état émotionnel de ce dernier. Néanmoins, non seulement le lien affectif est déjà établi entre les chiens du foyer, mais c’est de notre absence que le chien souffre, pas nécessairement du fait d’être sans une autre présence.

L’adoption d’un autre chien doit avoir une autre motivation que d’essayer de régler les problèmes du premier car cela est un investissement conséquent, tant en terme de temps que d’énergie. Un chien supplémentaire est également un facteur non négligeable à prendre en compte dans le traitement de l’anxiété de séparation du premier chien. Les protocoles de travail doivent s’adapter à cette variable supplémentaire, et le bien-être du second chien ne doit pas être compromis.

« Il faut le désensibiliser aux signaux de départ en secouant les clés/mettre nos chaussures/prendre nos vestes, etc »

Parce que nous voyons les évènements de manière chronologique, nous pensons qu’il faut les traiter dans cet ordre. Il est donc souvent conseillé d’utiliser des signaux de départ connus (car un bon nombre de nos signaux de départ sont inconscients pour nous, mais bien compris par nos chiens) et d’exposer le chien à ces signaux dans des situations n’impliquant pas notre départ imminent. Aller secouer nos clés puis retourner faire la vaisselle, mettre nos chaussures et continuer notre ménage, enfiler une veste à l’entrée pour ensuite continuer la préparation du repas, etc. Bien que ce soit une étape durant la rééducation en désensibilisation systématique, elle est en réalité abordée bien plus tard.

Pourquoi ? Car les chiens souffrant d’anxiété de séparation n’ont pas peur du tintement des clés, du verrouillage de la porte ou de la préparation de notre sac, ils ont peur de se retrouver seuls. Non seulement nous risquons de fausser leur besoin de prédictibilité, ce qui peut favoriser le développement d’une hyper-vigilance à nos moindres faits et gestes, car il n’y a plus de signes annonciateurs précis donc notre départ peut survenir n’importe quand, mais nous soignerions qu’un symptôme et non une cause. 

Les notions de prédictibilité et de contrôle font partie intégrante d’un bon bien-être chez nos chiens, et chez les animaux en général. La prédictibilité se base sur la capacité de l’animal à prévoir ce qu’il va lui arriver (agréable comme désagréable). Nous savons actuellement que le choix est un besoin capital pour le bien-être, et ce pour toutes les espèces, et que ce manque de contrôle sur sa propre vie peut amener à un état constant ou contextuel de résignation acquise (Seligman, 1968). Les notions de contrôle et de prédictibilité sont intimement liées. Il a été constaté que non seulement le contrôle sur son environnement réduit les états de stress ayant un impact physiologiques (Weiss, 1971), mais non seulement qu’à défaut de pouvoir choisir, les animaux préfèrent voir un élément afin de se préparer, et peuvent même opter pour une stimulus désagréable d’intensité plus forte mais prévisible, qu’un stimulus plus modéré mais d’apparition aléatoire (Badia, 1975). En terme de conséquence sur l’animal, un taux de cortisol élevé est constaté chez les chiens subissant un choc sans signe avant coureur, comparativement à l’échantillon ayant une plus grande prédictibilité (Schalke, 2007). Être préparé à un évènement aversif est également beaucoup moins impactant émotionnellement et psychologiquement (Greiveldinger, 2007). De plus, l’animal va pouvoir être plus détendu de manière générale car il aura appris que tant qu’il n’y a pas l’élément annonciateur d’une stimulus aversif, il n’a pas forcément besoin d’être sur ses gardes (Meyer & Seligman, 1970). Lorsque les hormones de stress sont activées sur le long terme, et impliquent donc un stress chronique, cela est particulièrement délétère pour la santé et pour le mental de l’individu. Cela peut provoquer, entre autre des effets néfastes sur la croissance, la puberté et la santé musculaire, un épuisement psychologique, la mort précoce de neurones au niveau de l’hippocampe, une baisse du système immunitaire, une augmentation de développement de maladies (Franke, 2014).

Cela nous permet donc de comprendre les comportements que peuvent adopter les chiens faisant de l’anxiété de séparation pour pouvoir prédire ce qu’il va se passer et ainsi mieux se préparer et chercher à gérer au mieux leurs émotions, comme nous l’avons abordé précédemment concernant la fonction des comportements.

Attention ! La notion de prédictibilité concerne le besoin fondamental de sécurisation propre au bien-être et à la sérénité de chaque individu, notamment chez les chiens anxieux. Néanmoins, cela ne veut pas dire qu’il faut par défaut que le chien sache systématiquement en avance tout ce qu’il va se passer dans sa vie. En effet, lorsque c’est le cas, les animaux risquent de développer de la frustration par anticipation voire des stéréotypies.

« Il ne faut pas lui permettre de nous suivre partout ni de dormir avec nous. Il reçoit trop d’affection »

La notion d’hyper-attachement est un gros morceau qui sera abordé plus en détail ici. Mais ce qu’il faut retenir, c’est que le chien est une espèce sociale.

Cet article est non exhaustif et sera alimenté sur la durée, revenez sur cette page pour voir régulièrement les mises à jour !

Vous suspectez une potentielle anxiété de séparation chez votre chien ou souhaitez lui apprendre la solitude ? Rendez-vous ici 

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